<124>Si mon neveu a quelque espérance d'obtenir l'honneur où il aspire, il fera un voyage ici au printemps, ses affaires l'appelant à Paris pour tout l'hiver. Ses lettres font voir qu'il a beaucoup d'esprit. On dit qu'il est assez bien fait de sa personne, et l'amitié dont le comte de Belle-Isle l'honore est un bon témoignage de sa capacité.
V. A. R. verra sans doute avec surprise d'où un simple ministre tire son origine. Depuis que nous avons perdu les bénéfices, le ministère évangélique n'est plus que pour le peuple. Si l'abaissement où nous sommes tombés était la peine de nos forfaits, j'aurais raison d'en rougir. Mais, monseigneur, j'ose l'assurer à V. A. R., je suis la troisième victime de la religion. Un de mes ancêtres fut Albigeois, et eut le sort des comtes de Foix et de Toulouse. Il fut dépouillé d'une grande partie de ses biens par les inquisiteurs et par les croisés. Arnaud, mon bisaïeul, ayant échappé au carnage de la Saint-Barthélemy, se réfugia en Suisse, où il ne sauva qu'un fort petit débris de son naufrage. Je suis le troisième que la religion a exilé et dépouillé. C'est, monseigneur, ce qui m'a fait prendre pour devise un vieux temple ruiné et abandonné, avec ces mots : Una vetustate sacrum. « Il ne lui reste plus rien de vénérable que son ancienneté. » Malheureusement encore cette ancienneté s'étend jusqu'à la personne. Je suis vieux, monseigneur, et je ne trouve presque plus rien de vivant chez moi que la profonde vénération et le zèle inviolable avec lequel j'ai l'honneur d'être,
Monseigneur
de Votre Altesse Royale
le très-humble, très-obéissant et très-soumis serviteur,
de Beausobre.