<158>J'ai eu mes espions en campagne pour savoir la réponse que le Salomon de Cirey a faite aux reines de Saba du Nord.b J'ai appris que c'était un raisonnement fort didactique sur la manière de réprimer et de vaincre ses passions. C'est à savoir si cela a été du goût de nos héroïnes beaux esprits; c'est à vous d'en juger. La plus grande nouvelle que je puisse vous apprendre, c'est que le Roi sera ici demain à midi; selon mon thermomètre, le temps sera clair et serein, pourvu que jusqu'au départ la pièce soit de la même trame. Mon cher Camas, vous et votre juif, vous êtes plus heureux, dans vos occupations douces et innocentes, que ne le sont les maîtres du monde. Jouissez de votre bonheur, goûtez la tranquillité; mais n'oubliez pas vos amis. Vous savez que je suis du nombre, et que j'en serai toujours le premier.
Federic.
29. AU MÊME.
Berlin, 21 décembre 1738.
Mon cher Camas,
Je n'ai point attendu votre notification pour participer à la nouvelle grâce que le Roi vous a faite en vous revêtant de la sénéchaussée de Crossen. Je suis persuadé que vous vous acquitterez dignement de cette nouvelle charge, et qu'on vous verra briller sous la robe comme sous la cuirasse. Ne troquez pas cependant Feuquières pour le Digeste, et ne vous avisez point de ne nous parler que de Cujas et de Bartole. Croyez-moi, mon cher Camas, faites comme les chanoines du Lutrin, qui ne pensaient qu'à bien manger et à bien boire, et laissaient
A des chantres gagés le soin de louer Dieu.a
Le conseil vous paraîtra facile à suivre, et soyez bien assuré que votre prudence m'avait déjà prévenu, et que c'était bien votre dessein.
b Madame de Wr... et madame de Brandt. Voyez ci-dessus, p. 163 et 165.
a Boileau, Le Lutrin, chant I, v. 24.