<172>O ciel! quelle métamorphose
A changé le vice en vertu?
Qui transforme l'ortie en rosé?
Par qui tout est-il confondu?
Quel adulateur ridicule
D'un nain peut former un Hercule,
Et d'un vil ciron un Atlas?
O mortels! c'est la flatterie,
Dont l'insipide frénésie
En Newton érige un Midas.
Souvent dans ses visions folles
Elle adora jusqu'aux tyrans;
Des monstres furent les idoles
Dont l'argent gageait ses encens.
Toujours la trahison heureuse
Et la majesté fastueuse
A trouvé des adulateurs;
Cartouche orné d'une couronne,
Ou Catilina sur le trône,
N'auraient pas manqué de flatteurs.
Voyez sans esprit, sans haleine,
Ce frénétique en sa fureur :
A coups pressés de veine en veine
Son sang fait palpiter son cœur;
Son corps est brûlé par la fièvre,
La mort habite sur sa lèvre;
En vain le flatteur détesté,
Relevant d'une voix sublime
L'éclat du rouge qui l'anime,
Louera sa brillante santé.
Loin de nous donner du mérite,
Le flatteur le fait éclipser;
L'humilité seule est l'élite
Des vertus qu'on doit estimer.
Quand même l'humaine injustice
Nous confondrait avec le vice,
Rien ne saurait nous avilir.
La vertu n'est point l'accessoire
De la louange et de la gloire;
C'est un bien qu'on ne peut ravir.