1. DE M. DE SUHM.
Berlin, 13 mars 1736.
Monseigneur
Comme j'entreprendrais sans doute l'impossible pour obéir aux ordres de Votre Altesse Royale, je ne suis pas surpris de me voir engagé à traduire une Métaphysique, quoique l'ouvrage soit assurément peu proportionné à mes forces. Mais comme le but de V. A. R., en m'ordonnant ce travail, n'a été que de lire en français ce que le plus grand philosophe de notre siècle a écrit en allemand, je me flatte de remplir ses vues en m'appliquant à rendre exactement les paroles de ce grand homme, sans m'arrêter ni au style, ni à l'élégance. C'est ce dont je me fais un devoir de prévenir V. A. R., afin qu'elle n'attende pas de moi ce dont je me sens incapable.
Je crois, monseigneur, que je viens de faire une espèce de préface. Mais comme V. A. R. veut faire de moi une espèce d'auteur, il est assez naturel que je me conforme aux règles établies; trop heureux, si dans ma traduction je ne néglige pas tous les devoirs d'un traducteur! Je ferai du moins mon possible pour observer le plus essentiel, j'entends celui de la fidélité. Pour ce qui est du reste, j'en remets le soin à mon auteur. J'ai l'honneur d'envoyer à V. A. R. le premier chapitre de la Métaphysique de Wolff,a dans lequel il prouve comment l'homme est certain qu'il existe. Or, comme toute sa Métaphysique est fondée sur des preuves aussi évidentes que le sont celles de ce chapitre, je prends la liberté de féliciter d'avance V. A. R. de la certitude qu'elle va avoir de la chose qui lui importe le plus.
Quelle gloire pour notre philosophe de prouver l'existence de la plus belle âme qu'il y ait dans l'univers! et quelle félicité pour
a Voyez ci-dessus, Avertissement, no X, et p. 195.