<263>A ce que je vois, l'amour exerce son empire à Lübben comme à Troie, en Sicile, ou à Anet.a Quels miracles ne fait-il pas tous les jours! Il n'y a pas jusqu'à Ruppin où il ne fasse sentir son influence; nous en avons des exemples ici, mais le temps ne me permet pas de vous entretenir là-dessus. L'on m'appelle, et j'entends déjà la voix de six cents hommes qui veulent être exercés. Il faut m'y rendre pour les dépêcher le plus vite qu'il me sera possible. Cependant, crainte que notre amitié n'en souffre, permettez-moi de vous assurer auparavant de la parfaite estime avec laquelle je suis,



Mon très-cher Diaphane.

Votre très-affectionné et fidèle ami,
Frederic.

14. AU MÊME.

Ruppin, 6 mai 1736.



Mon cher Diaphane,

Jamais Tantale n'a tant souffert dans le fleuve dont il ne pouvait boire les eaux que moi d'avoir reçu vos cahiers de Wolff et de ne pouvoir les lire. Tous les incidents et tous les fâcheux du monde se sont, je crois, donné le mot pour m'en empêcher. Un voyage à Potsdam, des exercices quotidiens, et l'arrivée de mon frère en compagnie des sieurs de Hacke et de Rittberg, m'en ont empêché.

Imaginez-vous, mon cher Diaphane, je vois débarquer cette caravane sans penser à rien; et ces messieurs, me pesant sur les épaules comme tout, ne me quittent pas d'un pied, pour me faire, je crois, donner à tous les diables. Un discours de tailles, de mesures, de pieds, est bientôt épuisé; voilà qui est fini, et je


a Le château d'Anet, bâti par Henri II pour Diane de Poitiers. Voyez la Henriade, chant IX, v. 109-130.