<347>son côté; mais ce qu'il y a de certain, c'est que le prince de Dessaua y a eu sa part. Voilà un exemple bien éclatant des infidélités de la fortune. Seckendorff en a été l'idole pendant toute sa vie, et à cette heure qu'il est sur son déclin et dans sa décrépitude, elle lui tourne le dos. Le Roi le plaint infiniment. Pour moi, je le plains, en cas qu'il soit innocent; mais en cas qu'il soit coupable, je ne le trouve guère digne de compassion.

D'ailleurs, les affaires de l'Empereur vont aussi mal qu'il est possible en Hongrie. Les Français travaillent de tout leur pouvoir à rétablir l'union et la paix entre l'Empereur et les Turcs, et il n'est pas douteux qu'ils n'aient un plan formé de fondre de tous côtés sur l'empire russien. Je crois que c'est de ces plans dont on doit plutôt admirer la hardiesse que la solidité. Il est certain que le monde produira dans peu de nouveaux événements. Pour moi, qui n'en suis que spectateur (dont je rends grâce à Dieu), je vois tout ce qui se fait avec un regard stoïque, et sans m'inquiéter de quoi que ce soit.

Depuis quatre mois que je suis ici, je n'ai pas discontinué d'étudier. Je me fais un devoir de bien employer mon temps, et d'en tirer tout le fruit qu'il me sera possible. Pour vous communiquer quelques-uns de mes amusements, je hasarde de vous envoyer une odea dont le sujet ne m'a pas été de peu de secours. Encore un coup, mon cher Diaphane, excusez mes folies, et regardez cette ode avec quelque indulgence; ce n'est pas pour mendier votre approbation, mais pour vous rendre compte de mes amusements que je vous l'envoie.

Nous partons, la semaine qui vient, pour Berlin. J'y retrouverai mon feu de cheminée, mais je n'y retrouverai pas celui dont l'entretien charmait mon âme. Souvenez-vous, mon cher Diaphane, qu'il y a en Allemagne une petite contrée située dans une vallée assez riante et tout entourée de bois, où votre nom et votre souvenir ne périront point, tant que je l'habiterai. Souvenez-vous de votre ami, qui, dans quelque endroit du monde qu'il se trouve, et dans quelque situation que la suite des événe-


a Les noms de Lichtenstein et du prince de Dessau sont en chiffre dans l'original.

a Ode. Apologie des bontés de Dieu. Voyez t. XIV, p. 111, no III, et p. 7-11.