<349>Mais comme cette réponse tarde tant à venir, je ne puis différer plus longtemps de témoigner respectueusement à V. A. R. combien je suis sensible aux flatteuses assurances qu'elle a daigné me donner de la continuation de son gracieux souvenir. Oui, j'ose dire, monseigneur, que vous me les devez autant par pitié que par justice, car elles seules me consolent, me soulagent, elles seules me tiennent lieu de tout ce qui me manque ici pour être parfaitement heureux; et si jamais personne les mérita par tous les sentiments que vous pouvez désirer dans un homme pour le trouver digne de votre affection et de votre estime, n'en doutez nullement, monseigneur, c'est bien moi.
A cela près que mon éloignement de V. A. R. me rend presque continuellement triste, et ne me laisse goûter et savourer parfaitement aucun plaisir, j'ai assez sujet d'être ici content de mon sort, y jouissant de tous les agréments que ce climat peut offrir. Cependant les sociétés manquent beaucoup ici, non tant faute d'hommes que faute de sociabilité. Il n'est pas aisé de déterminer s'il faut chercher la cause de celte insociabilité uniquement dans le caractère et dans les mœurs encore rudes et grossières de la nation, ou si la nature du gouvernement y contribue en quelque chose. Je suis tenté de croire que ce dernier y entre pour beaucoup.
Après tout, il faut toujours que j'en revienne à la réflexion de V. A. R. : c'est qu'il n'y a point de parfait bonheur dans ce monde. Aussi n'est-ce pas même sans quelque mélange de tristesse que je goûte, à la fin de chaque lettre, le plaisir de vous témoigner, monseigneur, à une si grande distance, la tendre vénération et le respectueux attachement avec lequel je ne cesserai jamais d'être, etc.