<402>Me voilà donc enfin parvenu au faîte de la félicité, au plus haut degré de bonheur auquel mes vœux terrestres eussent jamais pu aspirer. Aussi est-il bien au-dessus de tout ce que le plus vif et le plus respectueux sentiment peut exprimer, de rendre tout ce que j'éprouve en me disant aujourd'hui que je puis me prosterner en toute confiance au pied du trône de V. M., et lui offrir mon sang et ma vie, comme à mon maître, à mon gracieux protecteur, à mon ami, à mon roi. Et, à cet égard, ma satisfaction et ma joie sont à leur comble. Mais mon affliction l'est aussi de voir ma santé dans un si mauvais état, que les médecins ont décidé que je ne pourrais absolument me mettre en voyage avant que d'avoir repris des forces. Et je remarque que pour cela il ne suffit pas de s'être mis aux bouillons.

Dans cette fâcheuse situation, où je n'aurais jamais pu me trouver plus mal à propos, je crois qu'un homme avec beaucoup de fermeté perdrait facilement courage. Mais je me soutiendrai jusqu'au bout par les sentiments de constance et de résignation sur lesquels j'ai toujours cherché à fonder le bonheur et la tranquillité de ma vie; et il serait bien honteux pour moi d'être parvenu jusqu'à l'âge où je suis, si je ne pouvais me rendre le témoignage de n'y avoir pas travaillé en vain.

Je me flatte cependant que V. M. daignera, par un mot de sa main, me donner quelque consolation dans la solitude où je vais être abandonné ici, parce que, d'abord après la diète, la cour partira pour la Saxe, afin d'établir le vicariat et de régler les autres choses qu'il convient de mettre en ordre après la mort de l'Empereur.a Le vif intérêt que je prends, Sire, à la splendeur et à la félicité du règne que vous promettez à vos chers sujets, ne me permet pas de parler de cet événement sans féliciter d'avance V. M. des grandes conjonctures qui vont lui donner occasion d'accroître sa gloire en travaillant aux intérêts et au bonheur de ses États.

Agréez, Sire, etc.


a Voyez t. II, p. 60.