<42>porter une jeune personne dont le sang n'est pas si rassis que celui d'un septuagénaire. Je me sens, monsieur, et, quand on hait autant que moi les voies de la force, que notre sang bouillant nous porte toujours vers les extrémités.
J'approuve fort l'estafette de l'Empereur, qui condamne la démarche insensée de sa belle-sœur. Quel ridicule cette femme ne se donne-t-elle pas dans le monde, qui rejaillit sur sa fille par conséquent! S'il y a des honnêtes gens dans le inonde, ils doivent penser à me sauver d'un pas des plus périlleux où jamais j'aie été. Je me consume dans des idées mélancoliques, et je crains bien de ne pouvoir dissimuler mon chagrin. Voilà l'état où je me trouve; mais il ne me fera jamais changer à votre égard, mon cher général, étant avec une parfaite estime et toute la considération imaginable,
Mon très-cher général,
Votre parfaitement affectionné ami et serviteur,
Frideric.
J'ai reçu une lettre du Roi, où il paraît bien coiffé de la princesse, et je crois que je pourrais encore finir la huitaine ici. Quand le premier feu de l'approbation est passé, en la louant on peut faire apercevoir ses défauts au Roi. Mon Dieu, n'a-t-il pas encore assez vu ce que c'est qu'un mariage mal assorti, ma sœur d'Ansbach et M. son mari qui se haïssent comme le feu? Il en a mille chagrins tous les jours. Et à présent, si je dois vivre avec elle comme mari, il faut qu'elle soit belle, que nous sympathisions d'humeur; sans cela il est impossible que jamais je l'aime. Et quel but le Roi intente-t-il par là? Si c'est de s'assurer de moi, ce n'en est pas le moyen. Madame d'Eisenach le pourra faire, mais point une bête, et, au contraire, moralement il est impossible d'aimer l'auteur de notre malheur. Le Roi est raisonnable, et je suis persuadé qu'il comprendra cela lui-même. Prévenons donc le malheur à temps, afin que nous n'ayons pas lieu de nous repentir de notre négligence.