<59>Je ne bouge quasi pas de chez moi; je me divertis avec les morts, et ma conversation muette m'est plus utile que toute celle que je puis avoir avec les vivants. Ensuite je me récrée par la musique, et tantôt j'ai recours à la douce lyre dont Apollon daigne m'inspirer; mais plus discret en ma verve, je retiens le tout devers moi, et j'offre les productions d'Apollon à Vulcain, qui les résout. Telle est ma vie, et les occupations qui me la diversifient. Je souhaite, en attendant, du fond de mon cœur que vous passiez votre temps agréablement, et que vous soyez persuadé, monsieur, que je serai toujours avec une estime parfaite, etc
Dans ce moment je reçois l'incluse, que je vous envoie, vous priant de me conseiller ce que j'ai à faire.
16. AU MÊME.
Ruppin, 23 septembre 1732.
Mon très-cher général,
Votre lettre n'a pas manqué de me faire le plaisir que me font ordinairement toutes celles qui viennent de votre part; mais je vous avoue, mon cher général, que ce qui regarde votre raisonnement touchant l'entrevue de Rühstädt (quoique tout ce que vous dites se trouve fort juste) ne m'a pas plu infiniment, car j'aime beaucoup à faire tout ce qui me peut réjouir; et comme j'aurais été bien aise de vous revoir et de profiter de votre agréable compagnie, cela m'a fait beaucoup de peine d'être obligé d'en rester là, quoique je ne désespère pas entièrement de vous revoir un jour.
Le comte de Seckendorff a passé ces jours par ici. Je l'ai régalé de mon mieux, et j'ai fait tout ce que j'ai pu pour lui donner le goût à repasser ici à son retour. Messieurs nos aigrefins ont dit mille sottises qui l'ont bien fait rire. Pour moi, qui suis fait à cela, je ne m'en émeus non plus que de voir tous les jours monter et descendre la garde. Il m'a dit que la cour était fort solitaire, et