<95>vais mon grand chemin sans me défier de lui, puisque je n'ai rien à me reprocher, puisque la triste expérience m'a fait voir dans le monde que la meilleure politique que je pourrais avoir était de laisser aller toutes choses comme il plaît à Dieu de les diriger et au Roi de les mettre en exécution, et de ne penser à autre chose qu'au plaisir. De quoi devrais-je donc faire confidence au Roi? Je me distrais, par raison, l'esprit de toutes les affaires, et j'en suis si bien venu à bout, qu'en honneur je puis vous assurer que je vis comme si le Roi était immortel; et je veux mourir sur l'heure, si je me suis formé un plan pour l'exécuter après sa mort. Je croirais pécher, car tout ce qui se ferait à présent de contraire à ce plan me ferait de la peine, et n'en ayant point, rien ne le peut contrevenir. Voilà donc un souci de moins. Adieu, cher et généreux ami; je vous prie encore de compter sur ma parfaite tendresse, et sur l'estime la plus sincère et la plus stable de
Votre fidèle
Le Gouverneur.
5 mai.
Dans ce moment j'apprends par la vôtre, du 4, l'agréable nouvelle de votre promotion, mon très-cher ami. J'en suis dans la joie de mon cœur. Vous pouvez compter que, entre tous ceux qui vous feront leurs compliments sur ce chapitre, aucun ne sera plus sincère que le mien, souhaitant que le Roi récompense de plus en plus en vous les belles et bonnes qualités que le ciel vous a données,
Et que, général d'infanterie,
Le ciel prolonge votre vie
Jusqu'à ce que trente hivers surchargés de glaçons
Se voient succédés par de vertes moissons.
Dixi.