18. AU MÊME.
Potsdam, 18 janvier 1738.
Mon cher Camas,
J'ai reçu avec votre lettre la nouvelle de Nauen que la recrue pour le régiment y était arrivée; je vous en fais mes remercîments, en attendant que mes deux cents écus puissent les réaliser. Jamais année n'a été plus malheureuse que celle-ci pour nos enrôlements. J'ai eu des émissaires dans toute l'Europe, et hors quelques hommes d'aile, nous avons plus d'une compagnie où il n'y a aucune tête à lauriers, ce qui veut dire, en bon français, aucune recrue. Je suis ici depuis trois jours dans l'attente d'un accès de repentance, de sainteté, de crédulité, etc., qui, j'espère, <146>me passera avant lundi; cela expédié, je compte de partir d'ici mardi ou mercredi. On m'a traité fort doucement, mais le diable n'y perd rien; vous connaissez le génie de la cour, et cela suffit pour en juger. Trop heureux, mon cher Camas, si je pouvais vous posséder à Remusberg! L'endroit, par soi-même, ne mérite aucunement votre attention; la seule chose qui s'y trouve digne de vous, c'est le cœur d'un ami qui vous aime et vous estime; ce sont des attributs auxquels vous devez me reconnaître, ces sentiments ne m'étant point nouveaux; j'espère même que de tout temps vous les aurez remarqués en moi. Mon bonheur serait parfait, si je pouvais vous en donner des marques efficaces; j'attends ce moment, et celui de vous embrasser, avec la dernière impatience, vous priant de me croire à jamais,
Mon cher Camas,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Federic.