17. DE M. DE SUHM.

Lübben, 1er juin 1736.



Monseigneur

La dernière lettre dont Votre Altesse Royale m'a honoré m'a trouvé dans un état qui me rendait fort nécessaire un pareil encouragement à demeurer dans ce monde, car une colique affreuse m'en avait tout à fait dégoûté. Sérieusement, monseigneur, j'ai cru aller voir des yeux de l'entendement pur tout ce que Wolff nous montre avec toute la netteté dont notre perception est ici-bas capable; et après m'être entièrement résigné aux volontés de cet Être par lequel tous les autres existent, je me suis mis à confier à un papier mes dernières pensées terrestres pour V. A. R. Ah! que ne lui disais-je pas sur la douleur que j'éprouvais en quittant ce monde avant que d'avoir pu lui être aussi utile que je le souhaitais, avant que d'avoir pu lui donner des preuves tout à fait convaincantes que mon premier, mon plus ardent désir était de lui sacrifier mon sang et ma vie! Ensuite je faisais l'unique testament que j'avais à faire, disposant de mes enfants, et je prenais la liberté de les léguer à V. A. R. N'ayant plus rien à faire après cela, je serais mort dans la douce persuasion qu'elle n'aurait point, dédaigné mon legs. Mais, monseigneur, <267>me voilà de nouveau plein de vie, de l'espérance de vous la sacrifier encore, plein du désir de trouver les occasions de pouvoir vous faire connaître mon respectueux attachement et celui de mes enfants pour votre sacrée personne, de vous faire connaître, en un mot, à quel point tout mon sang vous est dévoué.

V. A. R. daignera me pardonner que je ne lui envoie pas cette fois autant d'ouvrage qu'à l'ordinaire; une grande faiblesse qui me reste encore m'a fait aller doucement dans mon travail. Mais je réparerai ce petit retard en redoublant d'efforts et de zèle, sachant bien que c'est là le seul moyen par lequel je puis me donner auprès de V. A. R. quelque mérite à l'occasion de cette traduction, qui n'en aura elle-même pas d'autre que celui qu'elle reçoit de l'honneur d'être approuvée de V. A. R., honneur qui lui suffit bien aussi, et qui est le seul auquel j'aspire de la rendre digne.

La manière dont V. A. R. veut bien me faire sentir qu'elle entend la proposition de la contradiction est pour moi des plus gracieuses; et c'est par la même raison que toute l'Europe comprendra que V. A. R. ne peut être autre qu'elle n'est, et qu'ainsi elle est nécessairement le plus digne prince du monde. Elle me permettra, avec toute sa modestie, de lui dire ceci dans le style de Wolff, qui se pique moins de finesse et d'élégance que de justesse de pensée, et surtout de vérité.

Je suis, etc.