22. AU MÊME.
Camp de Wehlau, 18 juillet 1736.
Mon cher Suhm,
Malgré les fatigues du voyage et les occupations militaires dont je suis chargé, ne croyez pas que je perde Wolff de vue un moment. C'est le point fixe sur lequel toute mon attention est tournée; plus je le lis, plus il me donne de satisfaction. J'admire la profondeur de ce célèbre philosophe, qui a étudié la nature comme jamais personne ne l'a fait, et qui est parvenu à pouvoir rendre raison de choses qui autrefois étaient non seulement <274>obscures et confuses, mais encore tout à fait inintelligibles. Il me semble que j'acquiers tous les jours plus de lumières avec lui, et que, à chaque proposition que j'étudie, il me tombe une nouvelle écaille de dessus les yeux. C'est un livre que tout le monde devrait lire, afin d'apprendre à raisonner et à suivre le fil ou la liaison des idées dans la recherche de la vérité.
Nous avons un temps abominable ici. Il semble que le salpêtre et le soufre aient conspiré notre perte. Le tonnerre gronde tous les jours, et la foudre est si redoutable en ce pays, que l'on entend tous les jours parler des dégâts qu'elle a faits. Voilà ce qu'il y a de plus nouveau ici, et, à moins que de vous circonstancier tous les différents malheurs qui arrivent en ces contrées, je serais fort embarrassé de quoi vous entretenir. Adieu, mon cher; croyez-moi avec une bien sincère estime,
Mon cher Suhm,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Frederic.