30. A M. DE SUHM.
Potsdam, 12 septembre 1736.
Mon cher Diaphane,
Les détours et les allures que vos lettres prennent avant que de m'être rendues retardent toujours mes réponses. Je viens de recevoir celle du 3, avec l'incluse. Je crois superflu de vous répéter les assurances de la reconnaissance que je vous ai pour les peines que vous vous donnez. Par un heureux hasard, j'ai été instruit que vous souhaitez d'avoir une montre de Paris, et, par un autre hasard encore, cette montre m'est tombée entre les mains. Je vous la remets ci-jointe, mon cher Diaphane, et j'espère que vous l'accepterez comme une faible marque de mon amitié. Ce ne sera pas le ministère de cette montre qui vous apprendra ce que c'est que le temps, c'est Wolff qui nous l'a enseigné à tous les deux. Je vous prie de croire, mon cher Dia<288>phane, que je ne souhaiterais rien plus ardemment que de pouvoir vous donner des marques continuelles de mon amitié, ensorte que vous ne pussiez désormais compter d'autre époque dans votre vie que celle de mes bienfaits.
Je ne saurais finir cette lettre sans vous prier encore une fois bien sérieusement de ne me donner ni du grand ni du sublime dans vos lettres. En les lisant, je m'imagine qu'elles s'adressent à d'autres qu'à moi, et je ne me reconnais du tout point aux traits sous lesquels vous me dépeignez. Ne voyez en moi qu'un ami sincère, et vous ne vous tromperez jamais; mais n'exaltez pas des mérites que je n'ai pas, et qui me font rougir de ne les pas avoir. Adieu, mon cher Diaphane; je suis tout à vous.
Frederic.