73. DE M. DE SUHM.
Pétersbourg, 24 février 1739.
Monseigneur
J'avais déjà appris votre dangereuse indisposition lorsque je reçus votre précieuse lettre du 1er de ce mois. Il n'est pas en mon pouvoir de vous exprimer, monseigneur, dans quelles mortelles alarmes cette cruelle nouvelle m'avait jeté; et, pour pouvoir peindre les transports de joie qu'a excités dans mon âme la chère nouvelle de votre rétablissement, il faudrait sans doute que j'empruntasse le langage des anges, ne trouvant aucune expression qui puisse atteindre à la vivacité et à la tendresse des sentiments dont mon cœur a été ému et pénétré en la lisant. Que l'aveu donc de cette impuissance, parlant un million de fois plus énergiquement à votre cœur que le langage le plus expressif, et y réveillant une émotion également vive et profonde, dont il est si <361>susceptible, substitue ainsi adroitement à la faiblesse de mes paroles la vivacité et l'énergie de votre sensibilité, et vous fasse trouver l'image de mes sentiments dans l'épreuve même des vôtres.
395-aLe Roi votre père veut acheter au duc de Courlande le bailliage de Biegen,395-b et en offre plus de cent mille écus. Si ce marché se conclut, j'ai parole pour dix mille. Mais l'affaire s'accroche à une trentaine de grands hommes dont on a peine à se défaire. Je fais tout mon possible pour y déterminer. Il n'y a point d'argent ici. On a ramassé tout l'or venu de la Chine par la dernière caravane, pour envoyer un demi-million à l'Empereur, et on négociera l'autre en Allemagne; de sorte qu'on fait la sourde oreille sur certain chapitre, quelque bonne envie qu'on ait d'ailleurs de rendre service.
395-a En chiffre.
395-b Voyez t. I, p. 150, et Friedrich der Grosse, eine Lebensgeschichte, von J. D. E. Preuss, t. IV, p. 434 et 435.