<10>de V. A. R. à M. de Voltaire, que toutes ces infamies, détestées du public, proscrites par les magistrats, et souvent ignorées à Paris, loin de diminuer les bontés de V. A. R. pour M. de Voltaire, les augmentaient encore, j'ai laissé faire le sieur Thieriot, d'autant plus que M. de Voltaire n'en a jamais laissé échapper la moindre plainte.
On me mande que Thieriot a envoyé en dernier lieu à V. A. R. un nouveau libelle de l'abbé Desfontaines, intitulé la Voltairomanie. Comme il y est question du sieur Thieriot, je crois qu'il est bon de faire connaître à V. A. R. quel est l'homme au nom duquel on ose donner dans ce libelle un démenti à M. de Voltaire, et qui ose l'envoyer à V. A. R.
Quand le sieur Thieriot ne devrait à M. de Voltaire que ce que les devoirs les plus simples de la société exigent, la façon dont on parle de lui par rapport à M. de Voltaire dans cet infâme libelle devrait le révolter, et il ne devrait pas laisser subsister un moment le doute qu'il eût démenti ses lettres et ses discours pour un scélérat généralement méprisé, tel que l'abbé Desfontaines.
Mais que V. A. R. pensera-t-elle quand elle saura que le même Thieriot, qui veut aujourd'hui affecter la neutralité entre M. de Voltaire et son ennemi, n'est connu dans le monde que par les bienfaits de M. de Voltaire : qu'il n'est jamais entré dans une bonne maison que comme son portefeuille, comme un homme qui le répétait quelquefois; que M. de Voltaire, dont la générosité est bien au-dessus de ses talents, l'a nourri et logé pendant plus de dix ans; qu'il lui a fait présent des Lettres philosophiques, qui ont valu à Thieriot, de son aveu même, plus de deux cents guinées, et qui ont pensé perdre M. de Voltaire; et qu'il lui a enfin pardonné des infidélités, ce qui est plus que des bienfaits? Que penserez-vous, monseigneur, d'un homme qui, ayant de telles obligations à M. de Voltaire, loin de prendre aujourd'hui la défense de son bienfaiteur et de celui qui voulait bien le traiter comme son ami, affecte de ne plus se souvenir des choses qu'il a écrites plusieurs fois, et dont M. de Voltaire a les lettres, et qu'il a répétées encore devant moi, ici, cet automne, et craint de se compromettre, comme si un Thieriot pouvait jamais être compromis, et comme s'il y avait une façon plus ignominieuse de l'être que d'être accusé de manquer à tant de devoirs et à tant de liens, et de les trahir tous pour un Desfontaines?
Je me flatte que V. A. R. pardonnera la façon vive dont je