<104>J'ai reçu une lettre de Paris, dans laquelle on m'a envoyé l'épitaphe de Rousseau, faite par lui-même deux années avant sa mort :
« De cet auteur noirci d'un crayon si malin,
Passant, veux-tu savoir quel fut le caractère?
Il avait pour amis Titon, Brumoy, Rollin,
Pour ennemis Gacon, Pitaval et Voltaire. »
Une nouvelle qui me surprend, c'est que M. Voltaire fait représenter son Mahomet à Lille; je regarde cela comme une espèce d'injure faite au théâtre de Paris.
J'ai l'honneur d'être avec un profond respect, etc.
56. A M. JORDAN.
Camp de Mollwitz, 6 mai 1741.
Je vous écris de ce beau camp
Où tout le danger qu'on y trouve
Exerce la valeur, l'éprouve,
Où mille mirmidons de Mars,
Autrement nommés les hussards,
Viennent vingt fois dans la journée
Nous souhaiter la bonne année,
Où les bombes et la batterie
Vers Brieg font un feu de furie.
Or donc, dans ce camp si terrible,
Où tout semble annoncer la mort,
Nous vivons tranquilles, paisibles :
Tout ce qui reluit n'est pas or.
Vous voyez, monsieur, par les belles choses que j'ai l'honneur de vous dire, qu'on peut prendre la peur à tort; c'est ce qu'on appelle être poltron en pure perte. Je m'étais flatté jusqu'ici, mais sans fondement, que j'aurais de vous une apparition béatifique; mais les dangers nous séparent si bien, que je crains de ne vous pas posséder de sitôt. On débite que votre dernier voyage