<13>personnes qui ont beaucoup voyagé en Suisse, et des Suisses même; mais toutes celles à qui j'ai parlé du phénomène rapporté par M. Musschenbroek se sont inscrites en faux contre ce fait. Peut-être qu'elles ne l'ont pas examiné avec des yeux philosophiques, ou que, peu attachées aux progrès des découvertes physiques, elles n'y ont point fait attention. Il me semble toutefois que, dans un ouvrage où, suivant le grand principe de Newton, tout doit se fonder sur des expériences certaines, il ne faudrait (je dis : ce me semble) point mêler les conjectures aux belles et curieuses expériences qu'on rapporte. Voilà le comble de l'impertinence, je décide de ce qu'à peine je commence à comprendre. Je vous en fais mille excuses; je vous prie de vous ressouvenir de mon âge, et que vous avez excité mon indiscrétion.
Oserais-je après cela vous exposer encore un doute sur lequel j'attends la décision de vos oracles? Vous expliquez, madame, la congélation de ces ruisseaux qui coulent dans les grottes de la Franche-Comté. Mais, s'il m'est permis de vous dire mon sentiment, il s'ensuivrait, la chaleur du soleil attirant beaucoup de parties nitreuses de la terre, et cette chaleur étant plus forte en été qu'en hiver, que les fleuves devraient geler en été et couler en hiver. L'expérience nous prouve cependant le contraire; ainsi je serais porté à croire que la congélation de ces ruisseaux a une raison particulière, qui pourrait peut-être se trouver dans les parties nitreuses mêlées au lit de ces ruisseaux, et en ce que ces exhalaisons, ne pouvant sortir de ces grottes de jour, retombent et se mêlent, la nuit, avec ces petits ruisseaux, et produisent ce phénomène si extraordinaire.
J'espère, madame, que vous voudrez bien me dessiller les yeux sur ces matières, afin que j'admire encore et les merveilles de la nature, et la vaste étendue de votre génie incomparable. Dès que je serai de retour à Remusberg, ce qui pourra être dans huit jours, j'entrerai dans la carrière de la physique, à laquelle vous faites tant d'honneur. Je suis ravi de ce que vous voulez bien que je m'adresse à vous pour avoir des éclaircissements, et je pourrai me glorifier qu'une belle et jeune dame aura été mon guide dans le pays de la nature. D'autres se dégoûtent des sciences par la pédanterie de ceux qui les enseignent; je m'y livrerai