<14>comme à une passion. Émilie, les Grâces, et, que sait-on? l'Amour même, seront mes maîtres.
Il n'y a qu'à connaître M. de Voltaire et Thieriot pour juger lequel des deux doit être au-dessus de la critique de l'autre. J'ai d'abord soupçonné quelque serpent caché sous les fleurs, lorsque Thieriot m'a annoncé d'un ton triomphant qu'il avait fait changer les Épîtres de notre digne ami. En un mot, Thieriot est très-propre à vous servir et à vous amuser. Son fonds d'amour-propre est le principe des soins qu'il se donne pour vos commissions et vos divertissements. Il m'écrit quelquefois des lettres où il paraît brouillé à jamais avec le bon sens; il n'a jamais le rhume que je n'en sois informé par un galimatias de quatre pages. Mais il se surpasse surtout dans le jugement et la critique qu'il fait des ouvrages d'esprit, et il escalade le superlatif lorsqu'il refond en son style les pensées de M. de Voltaire ou de quelque homme d'esprit. Pour moi, qui connais assez la façon originale de penser de notre incomparable poëte, je reconnais dans ces mauvaises copies les traits inimitables de l'original. Indépendamment de ces défauts, Thieriot est un bon garçon. Son exactitude et le désir qu'il a d'être utile le rendent estimable. Je n'abuserai point, madame, de la confidence que vous m'avez faite; je serais très-fâché de déranger vos petits divertissements. Je suis dans le cas de ne pouvoir rien vous souhaiter que vous ne possédiez déjà; avec votre génie et la compagnie de M. de Voltaire, je ne dois désirer que la continuation de votre bonheur. Je ne puis cependant m'oublier tout à fait moi-même; si les vœux des humains peuvent avoir quelque efficace, les miens seront sûrement exaucés, ceux que je fais dans l'espérance d'admirer un jour de mes yeux les merveilles que la nature opère par votre personne. Je brûle d'envie de vous assurer des sentiments avec lesquels je serai toute ma vie, etc.