<185>Or, grâce à Dieu, je m'efforcerai toujours à conserver le peu que j'en ai.
La description que V. M. fait de sa présente manière de vivre paraîtrait poétique à celui qui ne connaîtrait pas la façon de penser de V. M. quand elle est à l'armée; car
Qui dit un roi dit un mortel heureux
Qui ne connaît ni peines, ni fatigue,
Qui n'a de soins, dans ces bas lieux,
Que d'éloigner tout souci qui l'intrigue.
Le roi est fait pour les plaisirs,
Et le savant est né pour la misère;
Le premier, quand il veut, satisfait ses désirs,
Tandis que le dernier de faim se désespère.
La comète a jugé à propos de changer les choses. Il est un pays commandé par un roi qui fait la guerre en hiver, qui souffre les injures de l'air, tandis que, par sa grâce, son homme de lettres est mollement assis dans un canapé, jurant contre sa maladie, qui lui défend l'usage des plaisirs qu'il serait en état de se procurer.
Ne pense pas qui veut couleur de chair. L'esprit humain est si peu maître de soi, que cela fait pitié; j'en ai vraiment compassion. J'ai tort de m'affliger du mal qui m'arrive dans la société, par la même raison qui me porte à me chagriner de ce que la récolte des vins n'est pas bonne en France. La société ne fait qu'un corps. La Fontaine a bien prouvé, dans la fable de l'Estomac, la nécessité qu'il y a que ses parties réciproquement s'affligent du mal que ressent le tout dont elles dépendent.
Je ne sais si l'Europe a perdu la raison; mais une chose sais-je bien, c'est qu'elle est fort à plaindre de ce qu'on la lui a fait perdre.
Si l'on refuse à l'homme sain
Ses plaisirs et sa nourriture,
Et que, du soir jusqu'au matin,
On le tourmente sans mesure,
Cet homme sain perd à l'instant
Cette santé dont il abonde,
Et n'a plus de contentement
Ni de plaisirs dedans ce monde.