<275>que je vous envoie. Si mon amitié ne peut se manifester par de grands effets, elle tâche du moins à tracer de légers sillons, qui sont comme les arrhes de sa bonne volonté. Je suis sûr que c'est sur ce pied que vous recevrez ce que je vous envoie, et que vous ne douterez jamais de la véritable estime avec laquelle je suis,
Mon cher Duhan,
Votre très-fidèlement affectionné ami,
Frederic.
7. AU MÊME.
Berlin, 22 juin 1737.
Mon cher Duhan,
Votre souvenir m'est toujours fort agréable, et vos lettres me font le plaisir qu'on a quand on reçoit des nouvelles d'un ami qu'on n'a pas vu de longtemps. Ma sœur m'assure que vous êtes bien à Blankenbourg, et que vous prenez votre parti en philosophe.
J'ai vu, ces jours passés, votre frère de Hollande;a vos traits, votre physionomie et votre ton de voix se sont représentés si vivement à mon imagination, qu'il m'a semblé dans ce moment que je vous voyais et que je vous entretenais. Mais cette illusion ne dura qu'un moment, et fut succédée par cette espèce de chagrin qu'on nomme regret, et que cause la perte d'un bien que nous avons chéri tendrement.
Notre destin, mon cher Duhan, nous sépare. Il peut empêcher ce qui est matériel en nous de se joindre; mais il ne saurait jamais empêcher cet être pensant qui m'anime de vous aimer et de vous estimer. C'est pour moi qu'on vous a exilé; mais souvenez-vous que Cicéron cultiva dans l'exil son éloquence, qu'Ovide y soupira ses tendres vers, et que Scipion, le vengeur et l'appui de sa patrie, soutint un semblable exil avec toute la fermeté stoïque et la patience que la saine raison inspire aux âmes bien nées.
J'ai recommandé vos intérêts et votre bien-être au Duc et à
a M. Duhan de Vence, général au service de Hollande depuis 1779, mort à Berlin le 22 janvier 1784.