<287>verrai que, en habitant la même ville, vous ne vivrez point comme si vous étiez séparé par cent lieues de moi. Jordan n'en agissait pas ainsi, et l'amitié qu'il avait pour moi était sociable et liante. Je l'ai vu tous les jours, et, lorsqu'il n'était point malade, nous avons vécu sans cesse ensemble.
Adieu, mon cher Duhan; corrigez-vous, et devenez moins sédentaire.
Federic.
17. AU MÊME.
Nachod, ce 14 (juin 1745).
Mon cher Duhan,
Vous êtes philosophe, et vous me félicitez d'une bataille gagnée!a Je ne vous reconnais point à cela, et j'ai cru que vous vous contenteriez de soupirer sur les cruautés que mes ennemis m'ont obligé d'exercer sur eux. Pour moi, je me réjouis d'avoir sauvé mon pays du plus cruel des malheurs, et d'avoir rétabli la réputation de mes troupes, que mes ennemis prenaient à tâche d'obscurcir dans le monde. Mais, d'ailleurs, je vous assure que je pense fort philosophiquement, et que j'ai toujours le véritable bien et la félicité de mes peuples à cœur. Tant d'hommes, plus grands cent fois que moi, ont remporté des victoires plus grandes et aussi complètes que celle du 4! Des succès passagers, et qui n'ont qu'un temps, ne doivent point enfler l'orgueil d'un homme qui pense. La Providence a conservé la plus grande partie de mes amis dans cette carrière de dangers qu'ils ont courue tous également. C'est une grande consolation pour moi, de même que de vous savoir jouir d'une parfaite santé. Conservez-la, mon cher Duhan, et rendez justice à l'ancienne amitié et à la tendresse avec laquelle je suis
Votre fidèle ami,
Federic.
a Celle de Hohenfriedeberg.