<107>marcha, et la marche fut longue. Enfin, il revint, et dit au Roi : « Sire, pour leur flanc, nous l'avons. » Le Roi s'y porta d'abord, fit défiler le reste de l'armée à travers un village qui nous arrêta longtemps. On forma, d'abord après, la première ligne, et le maréchal, qui commandait l'aile gauche, la première ligne se trouvant formée, fit attaquer. Le Roi marcha du côté du centre pour continuer à mettre l'armée en ordre de bataille. Notre gauche souffrit d'abord beaucoup, et les ennemis la menèrent battant près d'une demi-heure. Ce fut là que le maréchal de Schwerin, voyant ce désordre, et que son régiment pliait aussi, prit un drapeau à la main, et, encourageant ses soldats, il reçut un coup de l'eu dans la tête et dans la poitrine, dont il expira sur-le-champ. Le drapeau qu'il tenait à la main couvrit tout son corps. Le Roi continua à donner ses ordres avec le même sang-froid que si tout était bien allé; il envoya des troupes à cette aile gauche, fit rallier les fuyards, et rétablit si bien le combat, que les ennemis, à leur tour, furent battus, et si bien poursuivis, qu'ils ne purent jamais se rallier. La déroute fut totale : ils n'avaient pas deux hommes ensemble; l'infanterie était pêle-mêle avec la cavalerie. Il fallait encore battre leur droite, qui se trouvait dans des postes presque inaccessibles. Nos troupes, malgré leur lassitude et malgré les difficultés presque insurmontables, ne se rebutèrent point. Elles escaladèrent les rochers, chassèrent les ennemis de partout. Leur armée se débanda absolument; une partie fuit du côté de la Sasawa, et l'autre partie entra dans Prague, où il y a environ cinquante mille hommes. Le prince Charles, le maréchal Browne, le prince de Saxe, le prince Louis de Würtemberg et la plus grande partie de leurs généraux y sont aussi. Le Roi est campé avec son armée autour de la ville, et a pris toutes les précautions pour les faire prisonniers, ou du moins pour qu'ils n'en échappent pas sans qu'il leur en coûte horriblement cher. Le duc de Bevern a marché au-devant du maréchal Daun, qui veut tenir encore contenance. Il a ordre de lui livrer bataille. Ainsi le Roi se trouvera par là, en moins d'un mois, avoir conquis un royaume et dissipé presque toutes les forces de la maison d'Autriche. Le maréchal de Browne a été blessé à la jambe; nous avons fait beaucoup de prisonniers, et pris une grande quantité d'étendards, ainsi