<145>un joujou qui, en vous plaisant, vous fera souvenir de votre vieil adorateur.

Il est singulier comme l'âge se rencontre. Depuis quatre ans j'ai renoncé aux soupers, comme incompatibles avec le métier que je suis obligé de faire; et, les jours de marche, mon dîner consiste dans une tasse de chocolat.

Nous avons couru comme des fous, tout enflés de notre victoire, essayer si nous pouvions chasser les Autrichiens de Dresde; ils se sont moqués de nous du haut de leurs montagnes; je suis revenu sur mes pas, comme un petit garçon, me cacher de dépit dans un des plus maudits villages de la Saxe. A présent il faut chasser de Freyberg et de Chemnitz MM. les cercles,a pour avoir de quoi vivre et nous placer. C'est, je vous jure, une chienne de vie, que, excepté Don Quichotte, personne n'a menée que moi. Tout ce train, tout ce désordre qui ne finit point, m'a si fort vieilli, que vous aurez peine à me reconnaître. Du côté droit de la tête, les cheveux me sont tout gris; mes dents se cassent et me tombent; j'ai le visage ridé comme les falbalas d'une jupe, le dos voûté comme un archet, et l'esprit triste et abattu comme un moine de la Trappe. Je vous préviens sur tout cela, afin que, en cas que nous nous voyions encore en chair et en os, vous ne vous trouviez pas trop choquée de ma figure. Il ne me reste que le cœur, qui n'est point changé, et qui conservera, autant que je respirerai, les sentiments d'estime et d'une tendre amitié pour ma bonne maman. Adieu.

Federic.

12. DE MADAME DE CAMAS.

Magdebourg, 25 avril 1761.



Sire,

M. le comte de Finckenstein me demanda une audience particulière à son arrivée; il me montra la belle tabatière dont V. M. a bien voulu le charger pour moi. Pleine de joie, je voulus me


a Voyez t. XII, p. 80 et 82.