<149>man, depuis six ans je ne plains plus les morts, mais bien les vivants. C'est une chienne de vie que celle que nous menons, et il n'y a aucun regret à y donner. Je vous souhaite beaucoup de patience, ma bonne maman, et toutes les prospérités dont ces temps calamiteux sont susceptibles, surtout que vous conserviez votre bonne humeur, le plus grand et le plus réel trésor que la fortune puisse nous donner. Pour moi, ma vieille amitié et l'estime que je vous ai vouée ne se démentiront jamais. Je suis sûr que vous en êtes persuadée. Adieu, ma bonne maman.
Federic.
16. A LA MÊME.
Meissen, 20 novembre 1762.
Je vous envoie, ma bonne maman, une bagatelle pour vous faire ressouvenir de moi. Vous pouvez vous servir de cette tabatière pour y mettre du rouge, ou des mouches, ou du tabac, ou des dragées, ou des pilules; mais, à quelque emploi que vous la destiniez, pensez au moins, en voyant ce chien, cet emblème de la fidélité, qui y est peint dessus, que celui qui vous l'envoie passe en attachement pour vous la fidélité de tous les chiens de l'univers, et que son dévouement pour votre personne n'a rien de commun avec la fragilité de la matière qu'on fabrique ici. J'ai commandé ici de la porcelaine pour tout le monde, pour Schönhausen, pour mes belles-sœurs; en un mot, je ne suis riche à présent qu'en cette fragile matière. J'espère que ceux qui en recevront la prendront pour bon argent, car nous sommes des gueux, ma bonne maman; il ne nous reste que l'honneur, la cape, l'épée, et de la porcelaine.
Adieu, ma chère et bonne maman. S'il plaît au ciel, je vous