28. A MADAME DE CAMAS.
(17 ou 18 novembre 1765.)
aJe vous suis bien obligé, ma bonne maman, de la part que vous prenez à la perte que nous venons de faire. C'est une perte pour tous les honnêtes gens, car ma sœur était une personne véritablement vertueuse. J'ai su, il y a longtemps, que les hommes sont mortels; j'ai été témoin que sa santé menaçait ruine : mais cela n'empêche pas, ma bonne maman, que je ne sente vivement la privation d'une sœur que la mort m'a arrachée comme des bras. La nature, une tendre amitié, une estime véritable, tous ces sentiments réclament leurs droits, et je sens, ma bonne maman, que je suis plus sensible que raisonnable. Mes larmes, mes regrets sont inutiles; cependant je ne saurais les supprimer. Notre famille me semble une forêt dont un ouragan a renversé les plus beaux arbres, et où l'on voit de distance en distance quelque sapin ébranché qui paraît ne tenir encore à ses racines que pour contempler la chute de ses compagnons, et les dégâts et les ravages qu'a faits la tempête. Je souhaite, ma bonne maman, que ce souffle de la mort se détourne de vous, que nous vous conservions longtemps, et que je puisse encore souvent vous réitérer les assurances de mon ancienne et fidèle amitié.
Federic.
a Cette lettre est la réponse à celle que madame de Camas avait écrite au Roi, le 16 novembre, à l'occasion de la mort de la margrave Sophie, décédée à Schwedt le 13. Voyez t. I, p. 200, et t. X, p. 173.