<225>été obligé de faire en Poméranie m'a empêché d'y répondre plus tôt. Je n'ai jamais douté de la part obligeante que vous daignez prendre à ce qui me regarde, et je me félicite en secret depuis longtemps de vous pouvoir placer à la tête des plus fidèles de mes amis. C'est en ce sens que je prends les choses flatteuses que vous daignez me dire. Un peu de prévention et beaucoup d'indulgence, madame, vous parlent en ma faveur. Il y a en moi beaucoup de volonté de bien faire, et souvent beaucoup de maladresse dans l'exécution. J'ai trouvé de grands maux partout, et, faute de pouvoir y appliquer des topiques, j'ai été obligé d'y substituer des palliatifs. Mais c'est en vérité trop vous parler de ce qui me regarde. Cependant, ma chère duchesse, je dois y ajouter que ce troisième tome dont vous avez la bonté de me parler est un ouvrage tronqué.a Mon détracteur a falsifié, corrompu, changé et supposé ce qu'il a voulu. Cet ouvrage, tel que je l'ai fait, ne méritait point de paraître au grand jour; quelques vers de société en faisaient la partie principale, et des choses qui sont bonnes entre amis et dans le moment qu'elles sont faites perdent tout lorsqu'on ignore les allusions et les à-propos. Je n'ai point voulu m'afficher, je n'ai point voulu être auteur; mais, lorsque les puissances de l'Europe conjurèrent pour me dépouiller de mes États, quelques colporteurs de scribes complotèrent pour piller mon portefeuille. Tout le monde a cru que, pour être du bel air, il fallait me faire le mal dont il était capable. Je suis obligé de le souffrir; je fais mieux, je le pardonne.
La feuille périodique que vous daignez m'envoyer est bien écrite; j'en connais l'auteur par réputation; il est natif de Gera, il a fait le Petit prophète.a C'est un garçon d'esprit qui s'est beaucoup formé à Paris. Cependant je vous demande en grâce que, s'il veut m'envoyer ses feuilles, il daigne un peu m'épargner. Un homme sans expérience peut trouver du sublime où il n'y en a point; un philosophe n'y trouve qu'une compilation de causes secondes qui, par la bizarrerie de différentes combinaisons, pro-
a Frédéric parle ici de la contrefaçon de ses Œuvres du Philosophe de Sans-Souci.
a Voyez ci-dessus, p. 100. Selon d'autres, le baron de Grimm était né à Ratisbonne.