12. DE MADAME DE CAMAS.
Magdebourg, 25 avril 1761.
Sire,
M. le comte de Finckenstein me demanda une audience particulière à son arrivée; il me montra la belle tabatière dont V. M. a bien voulu le charger pour moi. Pleine de joie, je voulus me <146>jeter dessus; mais il n'eut garde de lâcher prise que je n'eusse écouté ses explications sur le gris de lin, amour sans fin, et sur les petites fleurs nommées Vergissmeinnicht. J'étais comme folle; je répondais à tout cela : Mais ce cher roi, ce bon roi qui veut bien penser à moi! Et voilà en même temps, Sire, tout ce que mon éloquence me fournit pour bien remercier V. M. Je me trouve donc comme noyée dans la volupté; je prends avec délice mon chocolat dans mes belles tasses, et je prendrai du bon tabac dans ma belle boîte. Ce sont des amusements agréables, en attendant ce bonheur tant désiré de voir V. M. face à face, de la dévorer des yeux, et puis de les fermer pour jamais, s'il le faut. Mais cette paix tant désirée, où reste-t-elle donc? Passerons-nous encore un été rempli d'angoisses? Ce n'est pas à V. M. que j'ai l'impertinence de faire ces questions, c'est à moi-même, et c'est un petit soliloque que je fais à tout moment, et où ce que je me réponds n'est pas des plus satisfaisants. Pour éloigner ces tristes idées, je me mets avec toute la soumission, tout l'attachement et toute la reconnaissance possible aux pieds de V. M., dont je serai jusqu'à la fin de ma vie,
Sire,
la plus humble, plus obéissante et plus soumise sujette,
S. Camas.