43. A LA MÊME.

Leipzig, 15 février 1763.



Madame ma cousine,

Je vous annonce la paix, ma chère duchesse, comme à ma bonne amie, qui veut bien s'intéresser à ce qui me regarde. Elle a été signée aujourd'hui. Ainsi, Dieu soit loué, voilà une cruelle guerre de terminée.

Comment pouvez-vous penser que mon cœur plein de reconnaissance, mon cœur, si j'ose le dire, qui a le tact fin en mérite, puisse jamais vous oublier? Ne fussiez-vous point duchesse, et fussiez-vous dans la condition la plus basse, il faudrait, ma divine duchesse, vous aimer, vous estimer et vous considérer de même. Votre extrême modestie vous empêche d'en convenir; mais je ne puis m'empêcher à cette fois de vous le dire, quitte à me taire pour l'avenir, si la surabondance de mon cœur blesse votre délicatesse.

Je compte bien, ma chère duchesse, que la paix et l'éloignement n'établiront pas un mur de séparation entre nous. J'y perdrais trop. C'est l'affaire des chevaux de poste de trotter quelques milles de plus. D'ailleurs, je ne me tairai qu'au cas que je devienne importun. Mais votre extrême bonté, votre fonds d'indul<219><220>gence inépuisable me rassure contre cette juste appréhension. Permettez que je vous remette cette lettre que vous avez daigné me communiquer, ce monument de votre bonté officieuse et de votre amitié; souffrez, ma chère duchesse, que je vous en marque toute ma reconnaissance. Je vous demande mille pardons si j'interromps si brusquement sur cette matière; mais vous pouvez bien juger qu'une nouvelle comme celle du jour entraîne une ample expédition. Ce ne sera pas cependant sans vous assurer de tout ce que mon cœur, mes sentiments et ma reconnaissance fournissent sur le sujet d'une personne digne des temps d'Oreste et de Pirithoüs.

Je suis avec toute l'admiration et la plus haute estime,



Madame ma cousine,

de Votre Altesse
le très-fidèle cousin et serviteur,
Federic.