<12>de l'autre. Daignez, Sire, avoir pour eux la même indulgence; votre suffrage les encouragera, et les excitera à mieux faire à l'avenir. Sire, j'ai vaincu le préjugé, j'ai, malgré la critique et la plaisanterie, mis le public de mon côté; mais, si vous ne daignez pas approuver les quatre ans de peine et de soin que je me suis donnés, le débit des ouvrages de mon élève ne me flattera plus. Oui, Sire, c'est avec la plus grande sincérité que je le dis, votre approbation est pour moi au-dessus de celle de toute l'Europe, et ce n'est pas comme l'approbation d'un roi puissant qu'elle me paraît précieuse, mais comme celle d'un génie supérieur, d'un héros, né pour conquérir les peuples, pour les gouverner et pour les rendre heureux. Je suis, etc.

16. AU MARQUIS D'ARGENS.

Camp de Semonitz, 31 août 1745.

Je vous sais bon gré de ce que vous me mandez touchant vos Mémoires de l'esprit et du cœur, que vous faites réimprimer, et vous laisse la liberté de me les dédier. Sur quoi je prie Dieu qu'il vous ait en sa sainte garde.

aJe ne suis malheureusement point de votre sentiment sur l'amitié. Je pense qu'un véritable ami est un don du ciel. Hélas! j'en ai perdu deux que je regretterai toute ma vie, et dont le souvenir ne finira qu'avec ma durée.a Vous faites beaucoup de paralogismes éloquents. Vous avancez qu'un chartreux peut être heureux;b j'ose vous dire affirmativement qu'il ne l'est pas. Un homme qui cultive les sciences, et qui vit sans amis, est un savant


a Ce post-scriptum, de la main du Roi, a trait aux Réflexions diverses et critiques sur l'amitié, qui se trouvent en tête du t. 1er des Nouveaux Mémoires pour servir à l'histoire de l'esprit et du cœur. A la Haye, 1745, p. 1-70.

a Voyez t. XVIII, p. 161 et 162.

b Voyez les Nouveaux Mémoires, etc., p. 56 et 57.