<179>à Barcelone tous les boulets, canons, etc., et les autres provisions de guerre qui s'y trouvent? Vous savez, Sire, les raisons secrètes de toutes ces démarches; mais aussi, si vous avez cet avantage sur les autres hommes, vous avez le désagrément de voir une quantité de démarches, de manœuvres et de négodations où le bon sens n'a guère plus de part que dans les ouvrages des théologiens.

Je remercie encore de nouveau V. M. des porcelaines; fasse le ciel que je puisse bientôt m'en servir une fois avant de vous voir, pour célébrer la première bataille que vous gagnerez, après quoi les renfermer jusqu'à ce que je les transporte à Potsdam, où je vous verrai tranquille, heureux et comblé de gloire! J'ai l'honneur, etc.

136. AU MARQUIS D'ARGENS.

Radebourg, 21 juin 1760.

Tout ce que vous me dites, mon cher marquis, ne me persuadera jamais que notre situation soit bonne. La fortune est contre moi : j'ai passé l'Elbe, j'ai voulu attaquer Lacy avant-hier; mais il s'est retiré fort à propos. Voilà comme mes projets échouent les uns après les autres. L'armée des cercles arrive demain à Dresde, où on la laissera, et Daun gagne alors une si grande supériorité sur moi, que je ne puis rien augurer de bon de tout ceci. Loudon assiége Glatz; il n'y a qu'une poignée d'hommes en Silésie, qui ne peut porter des secours. Je périrai par tous les côtés. La politique m'est tout aussi contraire que la guerre; je ne puis réussir en rien dans les choses que j'entreprends, et je me prépare à tout ce que la fatalité de mon sort me fait prévoir de funeste. Vous ne voyez les objets que de loin, vous ne savez les choses qu'à demi, ce qui produit en vous une sécurité que vous n'auriez pas, si l'évidence de la vérité vous frappait. Soyez très- sûr que, s'il n'arrive pas quelque miracle, nous sommes perdus;