<221>semblent prosaïques, et, dans quelques endroits, du style d'opéra. Cette pièce n'est pas bonne en général. L'exposition est embrouillée, beaucoup de raisonnements inutiles, des caractères mal développés et mal annoncés, peu de vers sentencieux, dignes d'être retenus, et, dans plus d'un endroit, un manque de vraisemblance qui choque et révolte le lecteur. Je crois que, si Voltaire vit encore quelque temps, il mettra toute son Histoire universelle en madrigaux ou en épigrammes.a Il y a, il est vrai, du radotage dans la pièce, mais convenez que c'est le radotage d'un grand homme; il faut être juste et rendre à son talent l'hommage qui lui est dû. J'ai vu une critique qu'un quidam fait de son Histoire universelle. Je crois que l'auteur est janséniste; il appuie beaucoup sur la religion et sur des opinions indifférentes que Voltaire a soutenues. Ce morceau serait passable, d'ailleurs, si l'auteur n'y distillait pas le fiel et l'amertume, et s'il avait ménagé quelques expressions trop dures.
En vérité, mon cher marquis, j'ai honte de la lettre que je vous écris. Moi, qui dois penser à me battre et à faire ma campagne, je vous fais l'analyse des nouveaux ouvrages qui paraissent. Cela me fait souvenir d'un mot qu'une dame d'atour d'Anne d'Autriche dit à Louis XIII, qui enfilait des perles : « Sire, vous savez tous les métiers, hors le vôtre. » Passez-moi ce petit trait d'érudition et l'ennui de ma longue lettre en faveur de l'amitié et de l'estime que je vous conserverai toujours. Adieu.
168. DU MARQUIS D'ARGENS.
Berlin, 4 avril 1761.
Sire,
Je ne dirai point à Votre Majesté combien la nouvelle de la levée du siége de Cassel m'a chagriné; elle jugera bien par elle-même
a Molière fait dire à Mascarille, dans les Précieuses ridicules, scène X : « Je travaille à mettre en madrigaux toute l'histoire romaine. »