<308>Mais je vois tant de choses bonnes, d'un autre côté, que j'attends avec patience celle que je souhaite le plus aujourd'hui.
Vous savez sans doute, Sire, que les Anglais ont pris, à la Martinique, trente-six vaisseaux corsaires des plus considérables qu'eussent les Français; la perte de cette île leur coûte d'un seul article trente millions de livres. On embarquait pour la France, toutes les années, de la Martinique cent mille caisses de sucre, à six cents livres la caisse; cela fait soixante millions de livres de sucre. Mettez la livre de sucre à dix sous, qui font la valeur de trois de nos anciens gros, vous trouverez, sans grand calcul, que cela fait trente millions de livres, par conséquent le double de ce que peut rendre l'électorat de Hanovre dans la plus florissante paix. Il est vrai que ce sont les sujets du roi de France, et non pas lui, qui perdent ces sommes considérables; mais la plaie n'en est pas moins grande pour le royaume, et elle saignera longtemps.
On dit ici que vous laites mettre en ordre le château de Charlottenbourg. Si V. M. se rappelle les jolies tapisseries de papier pour les chambres des officiers et des dames, que je lui fis voir à Leipzig, et qu'elle veuille en employer quelques-unes, vu le bon marché, une chambre ne coûtant guère que quarante écus, monnaie courante, l'entrepreneur de la fabrique de Rheinsberg, qui est un gentilhomme du prince Henri, et qui est venu me prier de le recommandera V. M., lui enverra tous les plus beaux échantillons.
M. de Catt se porte mieux; il a trouvé ici un chirurgien fort habile qui l'a déjà très soulagé, et qui lui promet de le mettre en état, dans une douzaine de jours, d'aller rejoindre V. M. et de faire la campagne sans incommodité, pourvu qu'il veuille se ménager un peu et ne plus être aussi mauvais écuyer que saint Paul de chrétienne mémoire.
On dit dans tous les papiers publics que la flotte qui a pris la Martinique va rendre une visite aux Espagnols à la Havane, et leur emprunter à coups de canon quelques millions de piastres. Ainsi soit-il! J'ai l'honneur, etc.