<349>dans quatre jours ouvrira la contrescarpe et fera brèche à l'enveloppe, ce qui mettra fin à cette difficile opération. Ces gens savent qu'on les veut prisonniers de guerre, c'est pourquoi ils attendent jusqu'au dernier moment; je vous avoue qu'ils n'ont pas tort.
J'ai vu, à ma grande édification, que M. de Beausobre pense à perpétuer son illustre maison, selon le commandement de Dieu à nos premiers pères : « Soyez féconds et multipliez. »b J'attends patiemment la paix et la confidence qu'il me veut faire de sa passion et de ses projets, résigné à tout ce que le hasard ordonnera de lui et de nous, tant que nous sommes. Cette paix, mon cher marquis, me paraît devoir arriver assurément. Comment? C'est une énigme plus obscure que celle que le sphinx proposa aux Thébains. La politique présente de l'Europe est un labyrinthe où l'on s'égare; j'y fais quelques pas, puis je me décourage, et je me recommande au saint Hasard, patron des fous et des étourdis. S'il est sûr que les Anglais aient pris la Havane, ils feront leur paix séparée avec l'Espagne et la France. Voilà où cela aboutira, et, pour nous, nous guerroierons avec cette reine obstinée jusqu'à ce que sa bourse se trouve à sec, et alors elle sera la princesse la plus pacifique de l'Europe. Voilà, mon cher marquis, comme ces grands princes sont faits, dévorés d'ambition, en faisant les hypocrites et les pacifiques. Cependant la Reine s'est découverte durant le cours de cette guerre, et je ne crois pas qu'on l'en croie sur sa parole, si elle s'avise de vouloir jeter de la poudre aux yeux du public.
Je trouve le petit Beausobre plus sensé; il veut repeupler le monde, que cette guerre a presque détruit, et je trouve très-sage à tout homme de lettres de penser à la multiplication, car il vaut mieux faire un enfant qu'un mauvais livre. Pour moi, je ne ferai ni l'un ni l'autre. Je prépare les postillons que je me flatte de vous dépêcher bientôt pour vous annoncer l'heureux événement, qui me paraît presque sûr dès aujourd'hui. Ensuite de nouveaux embarras se présenteront; mais n'y pensons pas à présent, et levons les difficultés à mesure qu'elles se montrent, sans trop nous inquiéter de l'avenir. Cela est philosophique, mon cher marquis. Vous voyez les progrès que je fais; mais assurément tout autre
b « Croissez et multipliez. » Genèse, chap. I, v. 28.