<407>cabinet de tableaux et de raretés. Il est venu me voir ici, à Éguilles, trois fois, et il m'attend à Lyon, où il avait quelques affaires qui l'obligeaient de s'arrêter dans cette ville. Vous enrichissez donc toujours vos palais, Sire, et surtout Sans-Souci, des précieuses reliques de l'antiquité, dont la plus petite vaut mieux que toutes celles que possède l'église de Magdebourg; je n'excepte pas même la pantoufle de la Vierge.
J'aurais, Sire, bien des choses à dire ici à V. M. au sujet de ce qui se passe dans ce pays. Le Roi vient enfin de s'apercevoir que des gens faits pour juger les procès voulaient marcher de pair avec lui; il les a punis, et les a fait rentrer dans l'état où ils doivent être. Jamais les parlements, sous Louis XIV, n'ont été si humiliés; tous les gens de bon sens en sont charmés; ces prétendus défenseurs des peuples devenaient insupportables au peuple par leur fierté. Je n'ai jamais mieux compris combien il est nécessaire qu'un roi soit maître absolu que depuis que je suis en France; tous les prétendus états mitoyens entre le peuple et le Roi ne sont que de petits tyrans, qui manquent également à leur maître et à leurs concitoyens. L'on a beau dire que, sous un mauvais roi, des personnes qui balancent son pouvoir sont très-utiles; je réponds à cela que je ne doute pas que le peuple n'ait été infiniment plus heureux et plus tranquille en France sous Louis XI qu'en Angleterre sous le règne de la maison de Stuart, dont la puissance était si balancée. V. M. sera étonnée de voir que je suis devenu si antiparlementaire; c'est que j'ai appris pendant vingt-cinq ans, à Berlin, le bien qui résulte de n'avoir qu'un maître qui sait se faire obéir, et que je n'ai jamais mieux connu ce bien que depuis que j'ai vu tout ce qui se passe en France.
Depuis que je suis ici, j'ai voulu connaître les raisons, les causes de bien des choses, et je suis venu à bout de ce que je souhaitais. En vérité, Sire, ce serait dommage que je fusse mort à Avignon, car j'ai bien fait une bonne provision pour les soupers philosophiques de Sans-Souci; j'ai, en vieillissant, ramassé