<46>qui leur a été attaché seize ans. Adieu, mon cher marquis. Je vous crois au lit; n'y pourrissez pas, et souvenez-vous que vous m'avez promis de me joindre au quartier d'hiver. Vous avez encore du temps pour vous reposer, et, jusqu'à présent, je ne sais où je pourrai vous donner rendez-vous. J'ai le sort de Mithridate; il ne me manque que deux fils et une Monime.a Adieu, mon aimable paresseux.

38. AU MÊME.

(Dürgoy) auprès de Breslau, 13 décembre (1757).

Mon divin marquis, vous qui avez gardé le lit pendant huit mois, et qui devez être bien reposé à présent, pourrez-vous vous résoudre à passer avec moi l'hiver en Silésie, quand tout y sera tranquille? L'amitié, ou la paresse, qui des deux l'emportera? J'attends votre réponse avec impatience. En vérité, vous ferez une œuvre de charité de me venir voir. Je suis sans société et sans secours. Si vous prenez cette grande résolution, digne d'une belle âme comme la vôtre, je vous enverrai votre itinéraire, et je vous laisserai en dépôt à Glogau jusqu'en janvier, que je vous logerai chez moi, à Breslau. Cela vous tiendra lieu de toute la campagne rude que j'ai faite, et je confesserai à la face de toute la terre que cet effort sera plus grand que si vous aviez gagné six batailles. Vous savez ce qu'a dit ce roi tant vanté des Hébreux, ce roi si sage qui avait mille femmes : « Celui qui se dompte lui-même est plus fort que celui qui soumet des villes. »b Sans doute que vous serez cet homme fort, et que vous ne m'envierez pas les consolations que je trouve dans votre société. Je vous enverrai quelqu'un pour vous conduire, et j'aurai soin des chevaux et de toute la dépense. Ah çà, mon cher marquis, bon courage! Nous bannirons tous les vents coulis; j'aurai du coton,


a Allusion à Mithridate, tragédie de Racine.

b Proverbes de Salomon, chap. XVI, v. 32.