<62>que je sacrifie ma santé pour l'État. Ce bout de campagne durera jusqu'à la mi-décembre, et alors j'espère que je pourrai goûter quelque repos. Enfin, mon cher marquis, je m'abandonne au hasard, qui se joue des mortels, et qui se plaît à amener les événements toujours d'une manière différente à laquelle on s'attendait. Je vous souhaite repos et santé, et je fais des vœux pour que vous reveniez à Berlin sans que ce petit voyage vous fasse du tort. Adieu, cher marquis; je vous embrasse.
53. DU MARQUIS D'ARGENS.
Berlin, 20 avril 1759.
Sire,
Vous avez permis que je prisse la liberté de vous écrire quelquefois; je n'ose cependant le faire aussi souvent que je le souhaiterais, dans la crainte de détourner V. M. des choses importantes dont elle est sans cesse occupée. Mais les succès de vos armes dans la Bohême, et les commencements heureux de cette campagne, me donnent trop de joie pour pouvoir m'empêcher d'en féliciter V. M. Je deviens tous les jours plus assuré que la fin de cette campagne vous rendra, heureux et content, à vos peuples, et que, après vous être couvert de gloire, vous passerez à Potsdam et à Sans-Souci des jours fortunés, au milieu des choses magnifiques que vous y faites et que vous y rassemblez. Je sais que vous avez à surmonter des difficultés qui étonneraient et même qui abattraient tout autre prince que vous; mais la même fermeté et la même prudence qui vous ont tiré d'affaire jusqu'aujourd'hui vous conduiront à une paix durable et honorable. Je vous regarde comme l'Hercule moderne : vous êtes obligé de faire des prodiges; vous combattez contre une hydre, mais vous viendrez à bout d'en abattre toutes les têtes. Je ne m'aveugle pas, Sire, sur la situation des choses présentes, je sais qu'elles sont dans un état très-critique; mais enfin, Sire, je juge du futur