<80>de votre peuple, au nom de votre gloire, qui sera à jamais immortelle malgré les événements fâcheux qui peuvent vous arriver, ne vous livrez point à des mouvements qui, en altérant votre santé, sont plus nuisibles à votre peuple que la perte de plusieurs batailles. Songez que Louis XIV a éprouvé les plus grands revers, et qu'il passe pour plus grand d'avoir su les soutenir que pour avoir conquis nombre de provinces. Quel est votre but? De défendre votre État; et, si vous venez à manquera cet État, il est perdu à jamais et sans ressource. La paix faite dans certaines occasions n'est ni honteuse, ni préjudiciable. Quel est le prince, le héros qui n'ait pas été forcé de céder quelquefois au torrent des événements? Enfin, Sire, je vous adore, vous le savez. Si vous périssez, votre peuple vous accusera éternellement de son malheur; si vous vivez, de quelque façon que les choses tournent, il vous adorera, car vous seul pouvez le sauver du malheur où il tomberait en vous perdant. Excusez, Sire, la liberté que je prends; mais elle est pardonnable dans un homme qui, s'il avait cent vies au lieu d'une, les donnerait avec plaisir pour vous voir heureux. J'ai l'honneur, etc.
66. DU MÊME.
Berlin, 18 août 1759.
Sire,
Je n'ai point quitté Berlin, ni pensé à le quitter. Tant que je saurai que vous vous portez bien, je n'aurai jamais la moindre crainte, parce que je suis assuré que, malgré les revers qui peuvent vous arriver, dès que vous voudrez conserver votre personne si précieuse à l'État, tôt ou tard les choses, quelque fâcheuses qu'elles paraissent, tourneront heureusement. Songez donc, Sire, sérieusement à ce qu'il arriverait, si vous veniez à périr; je n'ose ici vous en retracer l'affreuse image. Mais, tant que vous vivrez, il faudra à la fin que les affaires prennent une