<93>qu'on en fasse, cet homme me paraissant un espion des plus avérés. Mais je me suis contenté de dire à madame Tagliazucchi que, si cet homme sortait de Berlin avant la réponse de V. M., elle en répondrait; et elle m'a assuré qu'elle le retiendrait. J'ai l'honneur, etc.

79. AU MARQUIS D'ARGENS.

Octobre 1759.

Vous voyez, mon cher marquis, que les mystères de madame Tagliazucchi étaient des misères, comme je l'avais prédit; j'ai cependant ordonné qu'on arrêtât ce manant, si grand corrupteur. Pour savoir mes secrets, il faut me corrompre moi-même, et cela n'est pas facile. Cet homme ne peut d'ailleurs donner à l'ennemi que des nouvelles puisées dans des sources bourbeuses, plus propres à l'induire qu'à l'éclairer. Je suis ici au même point où j'étais il y a huit jours; mais l'ennemi va partir dans peu, il prépare tout pour sa marche. Cela terminera la campagne que j'ai faite cette année contre les Russes. Mais, ceci fini, il me reste encore une bonne tâche à remplir. Je suis malade; cela ne m'arrêtera pas, et je serai fidèle à mes devoirs tant qu'il me restera des forces.

Je travaille encore sur Charles XII. Mon ouvrage n'est qu'un enchaînement de réflexions; cela veut être fait avec soin, à tête reposée, ce qui fait que je vais lentement. L'idée m'en est venue parce que je me trouve précisément sur le lieu que Schulenbourg a rendu fameux par sa retraite.a Sans cesse occupé d'idées militaires, mon esprit, que je veux dissiper, s'occupe plutôt de ces matières que je ne pourrais le fixer à présent sur d'autres sujets. La guerre finie, je solliciterai une place aux Invalides; c'est où j'en suis réduit. Si vous me revoyez jamais,


a Voyez t. V, p. 28; t. VII, p. IV et p. 79-101; et t. XVI, Avertissement de l'Éditeur, p. VIII, no V, et p. 109-112.