229. DU MÊME.
Berlin, 29 mars 1762.
Sire,
Je réponds à la lettre que Votre Majesté m'a fait l'honneur de m'écrire, dans le moment où je la reçois. L'homme n'est pas fait pour être heureux longtemps. J'étais tranquille, joyeux depuis quatre jours, et voilà que l'incertitude où je suis sur l'état de votre santé me cause mille inquiétudes. J'espère pourtant que votre maladie n'aura point de suites, et que ces fièvres épidémiques qui sont à Breslau sont comme celles que nous avons ici, à Berlin, où presque tout le monde a été malade depuis une quinzaine de jours; mais ces maladies, même les plus opiniâtres, n'ont guère duré que sept ou huit jours.
Ce que V. M. me fait l'honneur de me mander au sujet de l'empereur de Russie me fait un double plaisir. Le premier, c'est que, si vous êtes incommodé du corps, vous devez avoir l'esprit content, et cela contribuera pour beaucoup au rétablissement de votre santé. Le second, c'est que j'espère que l'amitié que ce grand prince vous témoigne avec tant de raison, en vous unissant tous les deux d'intérêts comme de sentiments d'affection, conduira enfin ces troubles à leur fin, et nous amènera la paix. Quand pourrai-je donc avoir le plaisir de vous voir tranquille?
V. M. doit juger de l'inquiétude où je suis. Je la prie instamment, si elle n'a pas le temps de m'écrire un mot dans les occupations dont je vois qu'elle doit être accablée, de me faire savoir, par un des domestiques de sa chambre, l'état de sa santé. Je vous jure que je ne vivrai pas jusqu'à ce que je reçoive de vos nouvelles.
Vous devez, Sire, avoir été bien content du Prince de Prusse; tout le monde qui l'a vu à Magdebourg en dit ici mille biens. Vous faites toujours de très-bonnes choses, mais celle de l'avoir fait venir auprès de vous340-a est excellente par cent et cent mille <304>raisons. Il profitera plus aujourd'hui dans un jour qu'il n'aurait fait dans six mois à Magdebourg. Je demande encore en grâce à V. M. des nouvelles de sa santé. J'ai l'honneur, etc.
340-a Frédéric-Guillaume II du nom, déclaré Prince de Prusse le 11 décembre 1758, arriva à Breslau le 20 mars 1762, pour accompagner le Roi dans la campagne qui allait s'ouvrir. Voyez t. VII, p. 46 et 47.