237. AU MEME.
(Breslau) mai (avril) 1762.
Je vous tiens parole, mon cher marquis, je vous communique toute chaude la bonne nouvelle que je viens de recevoir. Notre ami le Kan est en marche pour Jassy, à la tête de cent mille Tartares; il m'envoie un secours de vingt-six mille hommes; les Turcs sont en pleine marche pour Andrinople. J'ai été assez heureux pour concilier leurs intérêts avec ceux des Russes et pour armer <312>ces deux puissances contre la maison d'Autriche. L'ouvrage n'était pas facile, et il a fallu concilier comme on a pu des intérêts si différents, pour les amener à ce point de réunion où les voilà; c'est un paroli au même à ce que Kaunitz m'a fait, et, si la Providence y consent, je pourrai rendre à mes ennemis tout le mal qu'ils m'ont fait et m'ont voulu faire. Ne vous étonnez donc plus de mon inaction, et soyez sûr que, dès que ma machine sera montée, j'agirai plus en un mois que je n'ai pu dans une année, les campagnes précédentes. C'est un grand événement, et qui doit laisser à la postérité, au moins pour un demi-siècle, des vestiges de cette guerre obstinée et cruelle. Réjouissez-vous, mon cher; désormais vous ne pouvez avoir que de bonnes nouvelles de nos armées. Juillet et août seront les mois de nos plus grands progrès; tous les pas que nous ferons nous achemineront à la paix et à la félicité de notre pauvre nation. Je commence à me flatter que je trouverai du baume pour nos plaies, ou de l'onguent pour la brûlure, comme vous voudrez. Adieu, mon cher marquis. On n'est pas en état de mander souvent des nouvelles de cette importance; je vous les donne avec plaisir, persuadé comme je le suis de la part que vous prenez à ce qui me regarde et à la prospérité du pays que je gouverne. Je vous embrasse, et je me flatte sérieusement de vous revoir à Sans-Souci. Adieu.