262. DU MEME.
Potsdam, 28 juin 1762.
Sire,
Je n'aurais aucune idée de la politesse française, si je n'employais pas ce qu'elle a de plus galant et de plus recherché pour féliciter V. M. sur la jonction des Russes avec son armée. J'ai été assez heureux pour acheter une partie de l'équipage d'un colonel français pris à la bataille que le prince de Brunswic votre neveu vient de gagner si glorieusement à Wilhelmsthal. Jai trouvé parmi ses papiers et ses livres, au lieu des Commentaires de César et de ceux de M. de Turenne, le Portier de la chartreuse, les Campagnes de l'abbé de .., la Poupée, de Bibiena,371-a et plusieurs feuilles pour écrire des lettres, d'une desquelles je me sers très-heureusement.
Avouez, Sire, que les Français sont des gens bien polis. Depuis trois ans, ils avaient la coutume de se faire battre toutes les années au mois d'août, et voilà que, pour plaire aux alliés, ils perdent une bataille dès le mois de juin. Peut-on rien de plus galant? Ce n'était pas la peine que la cour de France rappelât M. de Broglie parce qu'il s'était fait battre avec M. de Soubise.372-a M. d'Estrées a fait ainsi que lui. La seule différence que je trouve entre M. d'Estrées et M. de Broglie, c'est que le premier s'est fait battre deux mois plus tôt que l'autre. J'ai l'honneur d'être, etc.
371-a Le Portier des chartreux, roman obscène de Gervaise de La Touche. 1748. - Les Campagnes de l'abbé T. (par de La Morlière), 1747. - La Poupée, par J.-Galli de Bibiena, 1748.
372-a Près de Vellinghausen, le 16 juillet 1761. Voyez ci-dessus, p. 274.