<127>teau pouvait tenir huit jours.39 Broglie, qui avait reçu un renfort de dix mille hommes, et que le maréchal de Belle-Isle vint joindre parce que la diète de Francfort était finie, Broglie, dis-je, se mit en devoir de secourir cette ville : il fit passer tout son corps par un défilé très-étroit auprès de Sahay, que Lobkowitz avait garni de quelque infanterie. Les premiers escadrons français qui débouchèrent, sans ordre ni disposition, attaquèrent les cuirassiers de Hohenzollern et de Bernis, qui faisaient l'arrière-garde de Lobkowitz, et les battirent. Les Autrichiens avaient à dos un bois où ils se rallièrent à différentes reprises; mais comme le nombre des Français augmentait, ils enfoncèrent enfin les ennemis, et M. de Lobkowitz ne se crut en sûreté qu'en gagnant en hâte Budweis. Les cuirassiers autrichiens passaient autrefois pour les piliers de l'Empire; les batailles de Krozka et de Mollwitz les privèrent de leurs meilleurs officiers; on les remplaça mal : alors cette cavalerie tirait ou attaquait à la débandade, et fut par conséquent souvent battue; elle perdit cette confiance en ses forces qui sert d'instinct à la valeur.
Les Français firent valoir l'affaire de Sahay comme la plus grande victoire; la bataille de Pharsale ne fit pas plus de bruit à Rome que ce petit combat n'en fit à Paris. La faiblesse du cardinal de Fleury avait besoin d'être corroborée par quelques heureux succès, et les deux maréchaux qui s'étaient trouvés à ce choc, voulaient rajeunir la mémoire de leur ancienne réputation.
Le maréchal de Belle-Isle, ivre de ses succès tant à Francfort-sur-le-Main qu'à Sahay, vain d'avoir donné un Empereur à l'Allemagne, vint au camp du Roi pour concerter avec ce prince les moyens de tirer les Saxons de leur paralysie. M. de Belle-Isle avait mal choisi son temps : le Roi était bien éloigné d'entrer dans ses vues. Tant de négociations sourdes que les Autrichiens entretenaient avec le cardinal de Fleury, et des anecdotes qui dénotaient sa duplicité, avaient perdu la confiance qu'on avait en lui : on savait que La Chétardie avait proposé à l'impératrice de Russie que le moyen le plus sûr de la réconcilier avec la Suède, était
39 Relation de Wylich, témoin oculaire. [Le lieutenant-colonel Frédéric baron de Wylich-Diersfordt, adjudant du Roi, se trouvait alors dans l'armée française comme commissaire prussien.]