<128>d'indemniser cette dernière puissance en Poméranie, aux dépens du roi de Prusse.40 L'Impératrice refusa cet expédient, et communiqua le contenu au ministre de Prusse qui était à sa cour. En même temps, le cardinal Tencin déclara au Pape, au nom de sa cour, qu'il ne devait pas s'embarrasser de l'élévation de la Prusse; qu'en temps et lieu la France y saurait mettre ordre, et humilier ces hérétiques comme elle avait su les agrandir. Ce qui rendait le Cardinal digne de la plus grande méfiance, c'était sa conduite ténébreuse : il entretenait un nommé Dufargis à Vienne, qui était son émissaire et son négociateur. Il était donc indispensablement nécessaire de le prévenir, surtout si à tant de raisons politiques on ajoute celle des finances, la plus forte et la plus décisive de toutes : il y avait à peine cent cinquante mille écus dans les épargnes. Il était impossible avec une somme aussi modique d'arranger les apprêts pour la campagne suivante; point de ressources pour des emprunts, ni aucun de ces expédients auxquels les souverains ont recours dans les pays où règne l'opulence et la richesse. Toutes ces raisons résumées firent expédier des pleins pouvoirs au comte Podewils, qui était alors à Breslau, pour l'autoriser à signer la paix avec le lord Hyndford, qui avait des pleins pouvoirs de la cour de Vienne. Tout ceci fut cause que le Roi n'entra dans aucune des mesures que le maréchal de Belle-Isle lui proposait, et que les audiences ne se passaient qu'en compliments et en éloges.

Il était à prévoir par la situation où s'était mis le maréchal de Broglie, qu'il s'exposait à recevoir quelque échec. Il ne convenait pas aux intérêts de la Prusse que les Autrichiens pussent s'enfler de quelques nouveaux avantages avant que la paix fût signée. Pour prévenir de pareils contre-temps, le Roi avertit le maréchal de Broglie des mouvements du prince de Lorraine, qui tendait à se joindre au prince Lobkowitz; il lui représenta qu'il devait s'attendre à être assailli par toutes les forces réunies des Autrichiens, et que s'il ne voulait pas pousser vigoureusement M. de Lobkowitz avant l'arrivée du prince de Lorraine, il devait au moins ravitailler Frauenberg. M. de Broglie se moqua des avis d'un jeune homme; il n'en tint aucun compte, et resta tranquillement


40 Voyez Relation de Mardefeld.