<14>Walpole qu'il les payait pour le courant des sottises ordinaires, mais que celle-là était au-dessus de toute corruption. Au sortir du parlement Walpole fut attaqué; on lui saisit son manteau, qu'il lâcha à temps, et il se sauva à l'aide d'un capitaine des gardes qui se trouva, pour son bonheur, dans ce tumulte. Le Roi apprit par cette expérience à respecter la liberté anglaise; l'affaire des accises tomba, et sa prudence raffermit son trône.

Ces troubles intestins empêchèrent l'Angleterre de prendre part à la guerre de 1733. Bientôt après s'alluma la guerre avec l'Espagne, malgré la cour. Des marchands de la cité produisirent devant la chambre basse des oreilles de contrebandiers anglais, que les Espagnols avaient coupées. La robe ensanglantée de César qu'Antoine étala devant le peuple romain, ne fit pas une sensation plus vive à Rome, que ces oreilles n'en causèrent à Londres. Les esprits étaient émus; ils résolurent tumultuairement la guerre : le ministre fut obligé d'y consentir. La cour ne tira d'autre parti de cette guerre que d'éloigner de Londres l'amiral Haddock, dont l'éloquence l'emportait dans la chambre basse sur les corruptions de Walpole; et le ministre, qui disait qu'il connaissait le prix de chaque Anglais, parce qu'il n'y en avait point qu'il n'eût marchandé ou corrompu, vit que ses gui-nées ne l'emportaient pas toujours sur la force et l'évidence du raisonnement.

L'Angleterre entretenait alors quatre-vingts vaisseaux des quatre premiers rangs, et cinquante vaisseaux d'un ordre inférieur, environ trente mille hommes de troupes de terre. Ses revenus, en temps de paix, montaient à vingt-quatre millions d'écus; elle avait au delà une ressource immense dans la bourse des particuliers, et dans la facilité de lever des impôts sur des sujets opulents. Elle donnait alors des subsides au Danemark, pour l'entretien de six mille hommes; à la Hesse, pour un nombre pareil; ce qui, joint à vingt-deux mille Hanovriens, lui fournissait en Allemagne un corps de trente-quatre mille hommes à sa disposition. Les amiraux Wager et Ogle avaient la réputation d'être ses meilleurs marins : pour les troupes de terre, le duc d'Argyle et mylord Stair étaient les seuls qui eussent des prétentions fondées à primer les premiers emplois, quoique ni l'un ni l'autre n'eussent jamais commandé des armées.