<21>trigue; le désintéressement, en avidité; le bien public fut sacrifié au bien personnel; les corruptions allèrent au point que tantôt le parti français, tantôt la faction russe l'emportait dans les diètes; mais personne n'y tenait le parti national. Avec ces défauts, les Suédois avaient conservé l'esprit de conquête, directement opposé à l'esprit républicain, qui doit être pacifique, s'il veut conserver la forme du gouvernement établi. Ce royaume, tel que nous venons de le représenter, ne pouvait avoir qu'une faible influence dans les affaires générales de l'Europe; aussi avait-il perdu beaucoup de sa considération.

La Suède a pour voisine une puissance des plus redoutables. Depuis le septentrion, en prenant de la mer Glaciale jusqu'aux bords de la mer Noire, et de la Samogitie jusqu'aux frontières de la Chine, s'étend le terrain immense qui forme l'empire de Russie; ce qui produit huit cents milles d'Allemagne en longueur, sur trois ou quatre cents en largeur. Cet État, jadis barbare, avait été ignoré en Europe avant le czar Iwan Basilide. Pierre Ier, pour policer cette nation, travailla sur elle comme de l'eau forte sur le fer : il fut et le législateur et le fondateur de ce vaste empire; il créa des hommes, des soldats et des ministres; il fonda la ville de Pétersbourg; il établit une marine considérable, et parvint à faire respecter sa nation et ses talents singuliers à l'Europe entière.

Anne Iwanowna,2 nièce de Pierre Ier, gouvernait alors ce vaste empire : elle avait succédé à Pierre II, fils du premier empereur. Le règne d'Anne fut marqué par une foule d'événements mémorables, et par quelques grands hommes, dont elle eut l'habileté de se servir; ses armes donnèrent un roi à la Pologne. Elle envoya,3 au secours de l'empereur Charles VI, dix mille Russes au bord du Rhin, pays où cette nation avait été peu connue. La guerre qu'elle fit aux Turcs, fut un cours de prospérités et de triomphes; et lorsque l'empereur Charles VI envoyait solliciter la paix jusqu'au camp des Turcs, elle dictait des lois à l'empire ottoman. Elle protégea les sciences dans sa résidence; elle envoya même des savants à Kamtschatka, pour trouver une route plus abrégée qui favorisât le commerce des Moscovites avec les Chinois.


2 1740.

3 1735.