<36>qu'on le coupe.b La curiosité des hommes les a poussés à faire des recherches immenses; ils ont fait des efforts étonnants pour découvrir les premiers principes de la nature, mais vainement : ils sont placés entre deux infinis; et il paraît démontré que l'auteur des choses s'en est réservé à lui seul le secret.

La physique perfectionnée porta le flambeau de la vérité dans les ténèbres de la métaphysique. Il parut un sage en Angleterre, qui, se dépouillant de tout préjugé, ne se guida que par l'expérience : Locke fit tomber le bandeau de l'erreur, que le sceptique Bayle, son précurseur, avait déjà détaché en partie. Les Fontenelle et les Voltaire parurent ensuite en France; le célèbre Thomasius,15 en Allemagne; les Hobbes, les Collins, les Shaftesbury, les Bolingbroke, en Angleterre. Ces grands hommes et leurs disciples portèrent un coup mortel à la religion. Les hommes commencèrent à examiner ce qu'ils avaient stupidement adoré; la raison terrassa la superstition : on prit du dégoût pour les fables qu'on avait crues, et l'on eut horreur des blasphèmes auxquels on avait été pieusement attaché; le déisme, ce culte simple de l'Être suprême, fit nombre de sectateurs. Avec cette religion raisonnable s'établit la tolérance, et l'on ne fut plus ennemi pour avoir une façon différente de penser. Si l'épicuréisme fut funeste au culte idolâtre des païens, le déisme ne le fut pas moins de nos jours aux visions judaïques adoptées par nos ancêtres.

La liberté de penser dont jouit l'Angleterre, avait beaucoup contribué aux progrès de la philosophie. Il n'en était pas de même des Français : leurs ouvrages se ressentaient de la contrainte qu'y mettaient les censeurs théologiques. Un Anglais pense tout haut : un Français ose à peine laisser soupçonner ses idées. En revanche, les auteurs français se dédommageaient de la hardiesse qui était interdite à leurs ouvrages, en traitant supérieurement les matières de goût et tout ce qui est du ressort des belles-lettres, égalant par la politesse, les grâces et la légèreté, tout ce que le


15 A Halle.

b Dans cet aperçu rapide et général, le Roi a passé sous silence quelques événements de cette époque : l'invention de la machine électrique par Winkler, à Leipzig, de l'année 1742; et l'importante découverte que fit Ludolff à Berlin, en 1743, par laquelle il demeura désormais prouvé que l'étincelle électrique artificielle allume les corps inflammables comme la foudre même.