<7>duc de Lorraine, chacun tracassait de son côté. Il émanait du conseil impérial chaque jour de nouveaux projets d'opérations; les cabales des grands qui se contrecarraient, et la jalousie des généraux, firent manquer toutes les entreprises. Les ordres que les généraux recevaient de la cour, se contredisaient les uns les autres, ou bien obligeaient ces généraux à des opérations impraticables. Ce désordre domestique devint plus funeste aux armes autrichiennes que la puissance des Infidèles. A Vienne on exposait le vénérable, tandis qu'on perdait des batailles en Hongrie; et l'on espérait dans les miracles de la superstition, pour réparer les fautes de la malhabileté. Seckendorff fut emprisonné à la fin de sa première campagne, à cause, disait-on, que son hérésie attirait le courroux céleste. Königsegg, après avoir commandé la seconde année, fut fait grand maître de l'Impératrice; ce qui fit dire à Wallis, qui eut le commandement la troisième année, que son premier prédécesseur avait été encoffré, le second était devenu eunuque du sérail, et qu'il lui restait d'avoir la tête tranchée. Il ne se trompa guère; car après avoir perdu la bataille de Krozka, il fut enfermé au château de Brünn. Neipperg que l'Empereur et le duc de Lorraine avaient instamment conjuré d'accélérer la paix, la conclut avec les Turcs à Belgrad, et, pour récompense, fut à son retour confiné au château de Glatz.a Ainsi la cour de Vienne, n'osant pas remonter à la cause de ses malheurs, auxquels tout ce que la cour avait de plus auguste avait contribué, pour se consoler, punissait les instruments subalternes de ses infortunes.

Après la conclusion de cette paix, l'armée autrichienne se trouva dans un état de délabrement affreux : elle avait fait des pertes considérables à Widdin, à Mehadia, à Panczowa, au Timoc, à Krozka; l'air malsain, les eaux bourbeuses avaient occasionné des maladies contagieuses, et la proximité des Turcs lui avait communiqué la peste; elle était en même temps ruinée et découragée. Après la paix, la plus grande partie des troupes demeura en Hongrie; mais leur nombre ne passait pas quarante-trois mille combattants. Personne ne pensa à recompléter l'armée : l'Empereur n'avait d'ailleurs que seize mille hommes en Italie, douze mille au plus en Flandre, et cinq ou six régiments répandus dans les pays héréditaires. Au lieu donc que cette armée devait faire le nombre de cent soixante et quinze mille hommes, l'effectif ne montait pas à quatre-vingt-deux mille. On avait supputé, l'année 1733, que l'Empereur pouvait avoir vingt-huit millions de revenus; il en avait bien perdu depuis, et les dépenses de deux guerres consécutives l'avaient abîmé de dettes, qu'il avait peine d'acquitter avec vingt millions de revenus qui lui restaient. Outre cela, ses finances étaient dans la plus grande confusion. Une mésintelligence ouverte régnait entre ses ministres; la jalousie divisait les généraux, et l'Empereur lui-même, découragé par tant de mauvais succès, était dégoûté de la vanité des grandeurs. Cependant l'empire autrichien, malgré ses vices et ses faibles cachés, figurait encore, l'année 1740, en Europe, au nombre des puissances les plus formidables : l'on considérait ses ressources, et qu'une bonne tête y pouvait tout changer; en attendant, sa fierté suppléait à sa force, et sa gloire passée, à son humiliation présente.

Il n'en était pas de même de la France. Depuis l'année 1672 ce


a Ce n'est pas à Glatz, ni, comme il est dit plus bas, à Brünn, que Neipperg fut emprisonné, mais à Raab.