<84>en Haute-Silésie. Mais, avant que d'en venir à cette opération, il ne sera pas hors de propos de jeter auparavant un coup d'œil sur ce qui se passait dans le reste de l'Europe.

La reine de Hongrie commençait alors à voir le péril qui la menaçait : les Français passaient le Rhin, et longeaient le Danube à grandes journées. La peur abattit sa fierté; elle dépêcha le sieur Robinson, qui était ministre à sa cour de la part du roi d'Angleterre, pour essayer quelques propositions d'accommodement. Ce Robinson, prenant le ton de hauteur, dit au Roi que la Reine voulait bien oublier le passé; qu'elle lui offrait le Limbourg, la Gueldre espagnole, et deux millions d'écus, en dédommagement de ses prétentions sur la Silésie, à condition qu'il fît la paix, et que ses troupes évacuassent incessamment ce duché. Ce ministre était une espèce de fou, d'enthousiaste de la reine de Hongrie; il négociait avec l'emphase dont il aurait harangué dans la chambre basse. Le Roi, assez enclin à saisir les ridicules, prit le même ton, et lui répondit : « Que c'était à des princes sans honneur à vendre leurs droits pour de l'argent; que ces offres lui étaient plus injurieuses que n'avait été la méprisante hauteur de la cour de Vienne; et, haussant le ton, mon armée, dit-il, me trouverait indigne de la commander, si je perdais par un traité flétrissant les avantages qu'elle m'a procurés par des actions de valeur qui l'immortalisent. Sachez de plus que je ne puis abandonner sans la plus noire ingratitude mes nouveaux sujets, tous ces protestants qui m'ont appelé par leurs vœux. Voulez-vous que je les livre comme des victimes à la tyrannie de leurs persécuteurs, qui les sacrifieraient à leur vengeance? Ah! comment démentirai-je en un seul jour les sentiments d'honneur et de probité avec lesquels je suis né? et si j'étais capable d'une action aussi lâche, aussi infâme, je croirais voir sortir mes ancêtres de leurs tombeaux. Non, me diraient-ils, tu n'es plus notre sang : tu dois combattre pour les droits que nous t'avons transmis, et tu les vends! tu souilles l'honneur que nous t'avons laissé comme la partie la plus précieuse de notre héritage : indigne d'être prince, d'être roi, tu n'es qu'un infâme marchand qui préfère le gain à la gloire. Non, jamais, non, je ne mériterai de tels reproches; je me laisserai ensevelir, moi et mon armée,  »